Professions libérales exercées en société : le casse-tête des sociétés d’exercice libéral

Un changement de régime fiscal au 1er janvier 2024
Les rémunérations versées aux gérants ne posaient pas de difficultés dans la mesure où elles étaient imposables dans la catégorie des traitements et salaires.
Depuis le 1er janvier 2024, les rémunérations techniques des associés de sociétés d’exercice libéral (SEL) doivent, en principe, être imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.
Une ventilation doit être faite entre la rémunération pour les fonctions de gérants et une rémunération pour la fonction technique (avocats, médecins, etc.).
Cette modification, intervenue à la suite d’une jurisprudence constante du Conseil d’État, a été clarifiée dans le Bofip, et notamment dans un rescrit du 24 avril 2024.
La situation fiscale antérieure des rémunérations en SEL
Jusqu’à présent, les rémunérations techniques des associés de SEL (sociétés d’exercice libérales) étaient soumises au barème progressif de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires.
Les rémunérations des gérants majoritaires de SELARL et des gérants de SELCA étaient, elles, imposées dans les conditions prévues par l’article 62 du CGI, et donc assimilées à des traitements et salaires. Les personnes concernées bénéficiaient alors d’un abattement de 10% pour frais sur le montant déclaré.
Une nouvelle lecture : BNC pour l’activité technique
Désormais, « Les rémunérations perçues par les associés d’une SEL, au titre de l’exercice de leur activité libérale dans cette société, sont, en principe, imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux » (BOI-RES-BNC-000136).
Il est donc nécessaire de distinguer clairement, dans le cas spécifique des gérants majoritaires de SELARL et des gérants de SELCA, les rémunérations perçues au titre de l’activité libérale (BNC) de celles perçues au titre de leur fonction de gérant (article 62, traitements et salaires).
Les fonctions de gérance : un périmètre précis
À cet égard, le Bofip (BOI-RSA-GER-10-30) précisait que les rémunérations perçues au titre de la fonction de gérant sont notamment celles relatives à la convocation d’assemblées, à la représentation de la société dans les rapports avec les associés et à l’égard des tiers, à la décision de déplacement du siège social de la société…
En revanche la facturation de clients ou de patients, l’encaissement, les prises de rendez-vous ou encore la gestion des équipes sont des activités inhérentes à la pratique de l’activité libérale.
Le cas des fonctions indissociables
Toutefois, lorsque les fonctions liées à l’activité libérale et à la gérance sont indissociables, les rémunérations seront imposées dans les conditions prévues par l’article 62 (traitements et salaires). Dans cette hypothèse, il appartient au gérant « de fournir par tout moyen l’ensemble des éléments de preuve permettant de justifier de cette impossibilité » (BOI-RSA-GER-10-30).
L’abattement forfaitaire de 5 % censuré par le Conseil d’État
La doctrine administrative précise ensuite, qu’en pratique, il est admis qu’une part de 5% de la rémunération d’ensemble perçue par les gérants corresponde aux revenus afférents à leurs fonctions de gérants.
Cette mesure s’applique qu’il soit possible, ou non, de les distinguer de la rémunération perçue au titre de l’activité libérale.
Saisi d’un recours pour excès de pouvoir, le Conseil d’Etat a annulé le BOFIP qui admettait le forfait de 5% pour les fonctions de gérants majoritaires de SELARL et celui qui prévoyait que certaines tâches telles que la prise de rendez-vous ou la facturation du client, étaient systématiquement considérées comme inhérentes à l’activité libérale. (Conseil d’Etat, 8 avril 2025 n°49214)
En effet, le conseil d’Etat a annulé les mots « la facturation du client ou du patient, l’encaissement, les prises de rendez-vous, les approvisionnements de fournitures, la gestion des équipes » figurant au n° 530 du BOI-RSA-GER-10-30.
La règle des 5% de l’ensemble de la rémunération d’ensemble est considérée comme un ajout à la loi et donc annulée.
Une double imposition selon la nature des fonctions
Ainsi, les rémunérations des gérants majoritaires de SELARL perçues au titre de leur mandat social sont toujours imposées selon les conditions de l’article 62 du CGI.
En revanche la rémunération technique du gérant, comme des salariés de SEL, doit désormais être imposée dans la catégorie des BNC.
L’administration émet une réserve en précisant que, si un lien de subordination existe entre l’associé et la société, les revenus seront imposés en traitements et salaires.
Il conviendra donc d’être particulièrement vigilent sur les déclarations des revenus de gérants de SELARL, en procédant à une distinction.
Le recours possible au régime micro-BNC
Dès lors que les rémunérations techniques sont imposées dans la catégorie des BNC, le rescrit publié par le Bofip le 24 avril 2024 précise que les associés de SEL pourront bénéficier du régime micro-BNC, sous réserve de respecter les conditions de seuils.
Pour rappel, le régime micro-BNC s’applique dès lors que le chiffres d’affaires hors taxe annuel qui correspond aux bénéfices non commerciaux est inférieur à 77 700 euros.
En cas d’éligibilité à ce régime, un abattement forfaitaire de 34% s’appliquera aux revenus.
Les associés de SEL peuvent également déduire de leurs revenus certaines charges, dès lors que ces dépenses ont bien été « exposées à raison de leurs fonctions techniques et ne sont pas des charges qui devraient être supportées par la SEL dans le cadre de son exploitation ».